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Lorsque j’étais jeune diplômé…

J’ai eu l’opportunité de participer au processus de recrutement d’un grand groupe international. Ayant passé les premiers tours d’entretiens, je fus invité à Londres pour une journée d’assesment center. Entre deux jeux de rôle, nous étions interrogés par des recruteurs de différentes zones géographiques du groupe. En ce qui me concerne, je fus interrogé par un américain, une anglaise et un français.

A la lecture de mon cursus académique (droit + école de commerce), le recruteur américain commença l’entretien par un « waouh, vous n’avez pas perdu de temps… ». Lors du second entretien, l’anglaise me donna un « c’est génial, vous devez avoir une vue très transverse du monde des affaires ». L’entretien de conclusion revint au recruteur français qui, à la lecture de mon CV, fit immédiatement la grimace et me dit « hum….du droit…, une école de commerce…vous ne savez pas quoi faire en fait ! ». Le reste de l’entretien fut à l’avenant. Le recruteur français ne se remit jamais du fait que je puisse avoir plusieurs centres d’intérêt, que je ne sois pas né avec la vocation de participer au « graduate programme » de son groupe, etc.

Un certain temps s’est écoulé depuis cette époque et j’aimerais pouvoir dire cette anecdote est datée mais il n’en est rien. Pour de multiples raisons, les recruteurs français restent enfermés dans des croyances qui les empêchent de trouver les talents qu’ils recherchent (6 sur 10 éprouvent des difficultés à trouver les profils qu’ils recherchent selon l’APEC).

Analysons ensemble l’une de ces barrières mentales :

« 5 années d’expérience minimum sur le même poste, idéalement dans le secteur du […] »

Qui n’a pas lu cette exigence au bas d’une offre d’emploi ? Derrière cette formule devenue anodine et recopiée mécaniquement sur la plupart des offres d’emploi, on peut percevoir plusieurs phénomènes.

Un certain goût pour la facilité

En recherchant un candidat-clone, certains recruteurs s’imaginent à tort qu’ils pourront faire l’économie d’une réflexion sur les compétences ou la culture d’entreprise (que faut-il pour réussir à ce poste ? Le candidat sera t-il en phase avec le style de management de l’entreprise ? Etc.).

A noter, la paresse intellectuelle n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. Certains plans de recrutement que je vois passer sont construits sur des hypothèses irréalistes. Une grande entreprise française que je ne nommerai pas impose par exemple un quota de 7 entretiens de recrutement par jour à ses chargés de recrutement. Avec ce type de charge, à moins d’étudier les CV la nuit, le chargé de recrutement est forcé de prendre des raccourcis.

Une aversion au risque

L’idée est la suivante : si la personne recrutée ne donne pas satisfaction, le recruteur pourra toujours se retrancher derrière l’expérience précédente quasi-identique du candidat recruté pour dire que rien ne laissait présager un échec.

De manière incidente, on remarquera que cette logique de réassurance et d’absence de droit à l’erreur explique le boom des solutions de test de candidat. Dans cette logique, le recrutement ne doit plus être un pari mais une science. Si possible algorithmique, avec le moins d’interventions humaines possibles.

Une exigence d’opérationnalité immédiate

En dépit des discours des sites corporate de recrutement qui affirment souvent « recruter des personnalités avant tout », le texte des annonces trahit le contraire. Qu’il s’agisse d’exiger 5 années d’expérience au même poste, la maîtrise d’un logiciel peu répandu, ou la connaissance pointue d’un secteur, la logique reste la même. Le temps de montée en compétence est perçu comme improductif et donc insupportable. Là où les bâtisseurs de cathédrale prenaient des apprentis pendant plusieurs années pour les former, le cadre moderne est censé être immédiatement opérationnel. La boucle est bouclée lorsque les annonces pour des offres de stage exigent « une ou plusieurs expériences dans le domaine »…

Un manque de réalisme et de sens business

Soyons honnête, connaissez-vous beaucoup de professionnels qui, après avoir exercé un poste pendant 5 ans avec succès, rêvent de refaire la même chose ? La simple formulation de la question suffit pour y répondre. En faisant figurer cette exigence sur toutes ses annonces les recruteurs donnent du grain à moudre à ceux qui décrivent les RH comme une fonction déconnectée du réel.

Et demain

Si l’on en croit l’adage de Cioran selon lequel « le progrès est l’injustice que chaque génération commet vis à vis de celle qui l’a précédé », on peut se demander si les carrières protéiformes qui se dessinent pour la génération Z ne forceront pas certains recruteurs à changer de logiciel.

Et vous, avez-vous identifié d’autres croyances limitantes ?

N’hésitez pas à commenter…à condition d’avoir 5 années d’expérience minimum dans le commentaire de blog, bien sûr  ;-)

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10 Réponses à “Les barrières mentales des recruteurs français”

  1. Arnaud Delebarre dit :

    Bien vu. C’est du vécu universel ! Recruter pour remplir une tâche présente ou recruter pour préparer l’avenir… recruter un semblable ou enrichir une diversité… recruter pour la satisfaction de l entreprise et/ou celle de l embauché… recruter un profil conforme ou recruter un potentiel …

  2. CamilleNo Gravatar dit :

    Exactement. C’est le parcours du combattant lorsqu’on cherche à trouver un bon poste avec un « profil atypique » ! Le marché de l’emploi est réservé aux salariés qui sont déjà en poste et ont exercé les mêmes fonctions, pendant plusieurs années, dans une entreprise concurrente … Espéreront que cela changera lorsque la génération Y occupera les postes de direction !

  3. TOLEDANO Valérie dit :

    Pire encore, les recruteurs en viennent à écarter les candidats issus d’un autre secteur d’activités, tout en demandant bien évidemment des candidats « adaptables ». A quoi bon être adaptable si on n’a pas la possibilité d’accroitre son employabilité en évoluant d’un univers professionnel à un autre ?
    Le recrutement actuel marche sur la tête, et cela n’a rien à voir avec la génération Y … Les candidats en recherche active ne sont même pas traités avec la politesse la plus élémentaire.
    Mais n’oubliez pas, Messieurs et Mesdames les recruteurs, qu’ à l’heure de la marque entreprise ces candidats sont peut-être également vos clients d’aujourd’hui ou de demain et qu’en tout état de cause, ils sont utilisateurs des réseaux sociaux ….

  4. Damblanc dit :

    Oui le recrutement français souffre de nombreux maux. Les entreprises françaises sont frileuses face à un droit du travail pléthorique que personne ne peut maîtriser (plus de 3 000 pages). La protection des salariés rebute les employeurs. Les recruteurs formés à la française (environnement normatif excessif) ont oublié le mot humaines dans gestion des ressources … humaines, ils n’ont ni le temps ni l’envie pour s’ouvrir sur le monde réel. Encadré entre l’entreprise qui cherche des clones de ses salariés et leurs formations initiales peu éclectique, ils essayent de survivre dans un monde qui ne pourraient se passer d’eux mais pas au niveau où ils sont. Ils sont un moyen, une aide à la production, pas une fin. A l’instar des informaticiens des années 90, ils occupent une place exagérée dans la société et dans le monde du travail. Les américains essayent bien de redonner la décision aux opérationnels mais les DRH résistent. Cette poule aux oeufs d’or qu’est la GRH est tellement coûteuses et peu novatrice qu’elle scie la branche sur laquelle elle est assise. Avant de coûter, il faut produire de la richesse et s’il n’est de richesse que d’hommes pour citer un grand humaniste, la « branche » recrutement de la GRH reste un centre de coût au rendement non mesuré et incertain. Les réseaux sociaux se chargeront d’assainir ce marché du recrutement qui s’est déshumanisé avec les recruteurs et pourrait retrouver son souffle et son humanité sans eux.

  5. Traoré Sita dit :

    J’admire cette analyse et j’avoue que j’avais fait cette même remarque depuis que je me suis mise sur le marché de l’emploi. Dans mon pays , la Côte d’Ivoire, tout comme dans la plupart des pays francophones, ce constat est récurent. Il est dommage, mais à l’allure où vont les choses le nombre de chômeurs ne fera que s’accroître, tandis que les compétences existeront et que des postes à pourvoir demeureront. Il est impératif qu’une mise à jour du système de recrutement se face. Le copier coller n’a que perduré.

  6. Christope dit :

    Il y a de nombreuses façons de voir que les recruteurs ne cherchent pas à améliorer leur performance. Notamment, lorsque ils recherchent un mouton à cinq pattes, avec quelques années d’expérience, des compétences qu’un être humain normal ne peut acquérir qu’avec un expérience d’une durée au moins double de celle recherchés, et un salaire qui correspond à celui de quelqu’un deux fois moins expérimenté. Leur premier travail ne consisterait il pas à informer leur client que ce qu’il recherchent n’existe pas, car impossible de tout combiner? Si vous recherchez sur un type de poste et de localisation assez précis, vous constaterez rapidement que de nombreuses annonces ressortent…tous les trois mois. La période d’essai n’aurait elle pas été concluante? Donc le recrutement n’aura pas été le bon! Pourtant l’annonce est rédigée exactement de la même façon, avec donc la quasi certitude d’aller encore une fois à l’échec, puisque le recrutement se fera de façon identique. Et effectivement, on revoit encore ces annonces réapparaitre. Ni le client, ni le recruteur ne se remettent ne question.

  7. Evan Dominique dit :

    Et vous êtes dans le privé. Dans la fonction public, vous avez un double effet, le RH arque-bouté sur ces principes (c’est moi qui décide) et les syndicats (c’est mes copains d’abord). Ex : vous n’êtes pas syndiqués (grosse erreur) et vous avez fait une grosse évolution en interne. Vous voulez changer de catégorie, car vous occupez un poste de qualification correspondant à cette emploi. Bah non pas possible. Vous sortez d’où pour avoir cette idée. On vous a déjà laissé faire le boulot sans êtes qualifié!!!!!!

  8. Emilie dit :

    Analyse très pertinente. J’ajouterais le « poids » du diplome en France. Les systèmes parallèles d’écoles d’ingénieurs face à l’université rendent les choses encore plus compliquées, il faut avoir pour un poste en général un diplome très précis. Sans parler de la méconnaissance des diplomes étrangers. Mon conjoint s’est vu demander lors d’un entretien dans un grand institut de recherche publique francais si son PhD anglais était équivalent à un doctorat Francais, et si il pouvait en fournir une traduction en Francais….
    En Belgique, on m’a fait confiance, même si j’avais clairement énoncé à l’entretien que je ‘navais pas une partie des compétences demandées dans l’offre. Deux ans plus tard, j’ai acquis ces compétences, et cela a été très épanouissant! J’ai vraiment eu l’impression d’avancer dans ma carrière.

  9. Robin Fenestre dit :

    Alors que le risque et sa gestion sont « communes » mesures chez l’entrepreneur, il semblerait pour autant qu’en matière de recrutement, l’unique objectif envisagé soit le risque zéro.

    La conséquence de ce postulat est souvent d’écarter « la potentialité » au profit des sacro-saintes « compétences certifiées ».

    Outre le fait que « l’élève puisse dépasser le maître », il peut aussi découler de cette disposition, moins de « marge de manœuvre d’ajustement » dans la collaboration tant attendue…

    Parmi les virages à prendre en matière de recrutement, celui de défendre le risque et l’accepter… reste à négocier, aussi bien pour l’entreprise que pour son prolongement, le cabinet de recrutement.

  10. Mehdi dit :

    J’ai passé beaucoup d’entretiens et je partage totalement ce constat. ..
    Le recrutement Français est à l’image de la mentalité Française. On nn’aime pas le risque.
    Avec ce système, le candidat se façonne un rôle qu’il joue sans cesse.
    Ces dernières années, je constate aussi l’al’augmentation ddu nombre d’entretiens. Tout le monde cherche à se couvrir
    C’est vraiment dommage et ça donne rarement envie.

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